Finistère oblique (estran, varech, et perditions)

Arches fantomatiques, vos marins ont péri ?
Fort bien ! Foin de ces hôtes : l’homme est un ennemi ;
Commandez à vous-mêmes, et hantez l’océan
De vos voiles taillées dans le noir firmament.

Ô Finistère oblique, d’où l’on voit les marées
Dévorer les estrans comme des bateaux blessés !

Vers votre écrin de brume glacial et blafard
La blême lune tourne son œil hâve et hagard
Contemplant, splénétique, les lanternes pourries
Qui s’accrochent à vos flancs comme des maladies.

Ô Finistère oblique, d’où l’on voit les marins
Tomber dans l’océan en longs chapelets vains !

De la vapeur d’ombre se glisse en vos coursives,
Une phosphorescence, que l’océan lessive,
S’accroche à vos carènes ; et sur la hune haute
Rôde un grand spectre pâle que l’on voit de la côte…

Ô Finistère oblique, où l’on voit s’abîmer
Les marins, par poignées, comme des mouches crevées !

Des bourrasques traversent les grands trous noirs béants
Dans vos coques crevées comme des olifants ;
Ni répit ni repos pour les vaisseaux fantômes
Coiffés de brume-acier comme un ténébreux heaume.

Ô Finistère oblique, aux roches éplorées
Par les eaux et les vents de toutes parts fouettées !

Fuyons les grèves obliques, les finistères malades
Où l’estran est sanglant de naufrages, de noyades
Où les veuves et les mères poussent des hurlements
Dont les vents se régalent dans leurs souffles déments.

Ô Finistère oblique, d’où l’on voit les marées
Dévorer les estrans comme des âmes blessées !

Tous les vaisseaux sont morts, et leurs pavillons pendent
Comme haillons de bruyères arrachés à la lande,
Comme des étendards troués par la mitraille…
Comme le front du Christ souffrant sur son vitrail.

Regarde, Finistère, notre oblique destin !
De ce que nous aimons le temps fait son festin,
J’accusais l’océan, mais c’est l’Eternité
Qui dévore nos estrans et nos bateaux blessés !

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